article d'Alternatives Economiques
De la misère humaine en milieu publicitaire. Comment le monde se meurt de notre mode de vie |
par le groupe Marcuse Coll. Sur le vif, éd. La Découverte, 2004, 142 p., 7,50 euros. |
Faut-il condamner la publicité ?
Oui, répond le groupe Marcuse (Mouvement autonome de réflexion critique à l'usage des survivants de l'économie), composé de jeunes sociologues, économistes, philosophes, historiens, psychologues et médecins engagés.
Cet essai fait le lien entre la critique traditionnelle de la publicité et de ses méthodes de manipulation et la critique de la croissance économique, actuellement en vogue auprès des adeptes de la décroissance.
On y trouve une analyse du rôle de la publicité dans le développement du capitalisme industriel : celle-ci a permis de maîtriser le marché national, en allant au-delà des circuits locaux et en touchant des clients en masse. Ainsi, elle n'a pas seulement été un vecteur de la démocratisation de la consommation.
Elle est devenue, selon l'ouvrage, " un pilier de la société capitaliste " et " un secteur productif à part entière ", qui sert à " fabriquer du désir ", un désir de consommer que le groupe trouve non seulement artificiel et superflu, mais aussi néfaste, voire dangereux.
C'est sans nuance. Epinglant Nike, les auteurs oublient de préciser que l'image " jeune et multiculturelle " de la marque a fini par se retourner contre elle, l'obligeant à réformer ses liens avec ses sous-traitants de peur de perdre ses clients.
De même, si le consommateur est " une figure individualiste et dépolitisée ", qui " n'a de revendication que privée ", on peut se demander si le rôle de la publicité est si décisif dans ce phénomène.
C'est faire peu de cas d'évolutions de bien plus grande ampleur : la remise en cause d'un modèle social fondé sur le plein-emploi, le salariat et la redistribution, qui a fait place à une logique assurantielle individuelle. Par ailleurs, surconsommation et croissance vont-elles forcément de pair, comme le laisse à penser cet essai ? En conclure que face au consumérisme la décroissance est la seule solution est un raccourci qu'on n'empruntera pas.
Naïri Nahapétian
Alternatives Economiques, n° 231 (12/2004)